

Coliving rural : la révolution de l'habitat partagé à la campagne
Le coliving envahit les grandes agglomérations, mais saviez-vous qu’il faisait son nid aussi dans les vertes campagnes ? Perche, Sologne ou encore Béarn, les colocations rurales ont essaimé un peu partout. Qui y vit ? Pourquoi ? Quels sont les avantages de l’habitat partagé en milieu rural ? Et quelles sont ses limites ?
L'émergence du coliving rural
Le coliving rural, une nouveauté ? Depuis plusieurs années, l’idée de vivre ensemble à la campagne fait son chemin. Avant la crise de la covid, les annonces de colocation ou de coliving existaient déjà. Retraités vivant dans une maison devenue trop grande pour eux, jeunes couples installés à la campagne et disposant de beaucoup d’espaces aménagés, colocataires en recherche de calme, de sérénité et de nature à portée de main…
Facteurs de développement
Le confinement a mis cruellement en avant les multiples contraintes de l’habitat en ville : espaces confinés, peu de verdure, et peu de moyens de prendre l’air. Le télétravail s’est développé d’un coup. Il a ouvert de nouvelles opportunités pour les salariés, que connaissaient déjà les free lance et les nomades digitaux.
Nombre de citadins ont alors eu des envies de campagne.
Les séminaires au vert prisés par certaines entreprises ont également donné des idées à leurs salariés. C’est ce qui se passe au Bouchot, un coliving rural en Sologne « Souvent des salariés nous rappellent à l’issue du séminaire auquel ils ont participé chez nous. Ils veulent revenir se poser quelques jours en famille, ou seuls pour travailler ou se détendre pour quelques jours ou quelques semaines. Mais tous veulent se ressourcer. Ils nous disent « je me suis senti bien ». Ils reviennent souvent avec quête personnelle : “Où est-ce que j’en suis ? Est-ce que je veux changer de vie ou continuer et dans quelles conditions ? » explique Anne Beau, co-fondatrice du coliving rural. « Progressivement, nous sommes devenus la famille de cœur, un lieu de ressourcement d’une grosse communauté qui rassemble notamment des indépendants, des free lance, mais aussi des salariés en télétravail. »

Le coliving rural : des résidents en quête de changement de vie ?
Besoin d’espaces, actualité climatique anxiogène, nombreux sont ceux qui ont décidé de sauter le pas et de s’installer à la campagne… Sans prendre en compte les aléas liés à la vie loin des villes : nécessité d’avoir une voiture, services moins accessibles, et parfois isolement.
Le coliving rural permet justement de faciliter cette transition. Vivre à la campagne oui, mais pas seul. Et ce n’est pas un choix sans retour en arrière possible. « Nous ne demandons jamais à ceux qui viennent au Bouchot combien de temps ils vont rester » explique Anne qui tord le cou à quelques illusions. « Au Bouchot, on cesse d’avoir peur de vivre à la campagne, de couper le lien avec la ville. Les grandes villes peuvent entretenir le mal-être. A la campagne, on vit de façon complètement différente. On se rend compte que tous les besoins auxquels on est accro sont en fait des envies pour tuer le temps libre plutôt que la satisfaction de vrais besoins. »
Le coliving rural n’est pas là pour vous convertir à la vie à la campagne. Il vous permet en revanche de «faire un pas de côté» explique Anne.
Vers de nouvelles attentes des résidents
Particulièrement appréciés des free lance et des télétravailleurs pour travailler tout en se ressourçant, les coworking ruraux se disséminent dans les campagnes françaises. Ils accueillent également des séminaires et garantissent le calme, la nature, éventuellement des activités annexes (jardinage, soins aux animaux…)
Leur avantage : être facilement accessibles depuis Paris ou une grande ville. Sur place, ils offrent des espaces de coworking, des chambres et salles de bain individuelles et l’accès à de grands espaces communs (cuisine, salon…), des activités avec les autres coworkers (cuisine, jardinage, promenades en forêt ) et bien sûr un wifi hors pair. Tout pour répondre aux besoins des télétravailleurs pour quelques jours ou quelques semaines.
La découverte de l’habitat partagé à la campagne peut être un premier pas vers une nouvelle vie. Si vous aspirez à vivre au vert ou du moins, au cœur d’un petit village de campagne, le coliving rural vous donne un premier aperçu de la vie à la campagne. Vivre au rythme des saisons, certes, mais qu’en est-il des longues journées d’hiver ou de pluie ?
Du coliving rural à la colocation
Entre ville et campagne, A. de Galzain et son mari, des propriétaires clients de Cooloc, ont acquis une maison dans la petite ville de Château-Thierry. Ce airbnb au départ est rapidement devenu un coliving où les colivers se sont installés avant le couple de propriétaires. « Nous sommes chez nous, donc la question de nous sentir chez nous ne se pose pas. Mais nous voulions que les colocataires se sentent aussi chez eux, s’approprient l’espace. Ils ont emménagé avant nous et ils sont vraiment chez eux.»
Et c’est ce qui s’est passé : deux femmes, l’une proche de la retraite, l’autre âgée de 40 ans et un jeune homme de 25 ans, colocataires présentés aux propriétaires par Cooloc, se sont installés dans la maison. Deux autres jeunes femmes viennent deux jours par semaine dans le cadre d’une formation. « Nous partageons la cuisine, le jardin, la cave, la machine à laver et le garage. Désormais on se connaît bien depuis le temps. Nous mangeons ensemble tous les dimanches. Nous reconstituons une sorte de famille progressivement. »
D’où le coliving rural tire-t-il son succès ?
Avec le coliving rural, il s’agit non seulement de vivre ensemble, mais aussi, en dehors de votre activité professionnelle, de participer pleinement à la vie de la campagne.
Au Bouchot, « j’entraine les uns à la cuisine, ou à travailler au jardin pour se reconnecter à la terre et donc à eux-mêmes. Nous n’avons qu’une seule règle : je respecte la nature donc je me respecte. Les gens croient qu’ils ne sauront pas quoi faire dans un jardin. Nous éteignons leurs peurs et les résidents se rendent compte que cela leur fait du bien de travailler la terre. Ils retrouvent la joie. On a fait arracher des orties et installer des rangs de tomates à des dirigeants du CAC 40 qui ont redécouvert la joie de faire des choses simples. On permet à l’âme d’enfant de s’émerveiller. »
Même chose à la Mutinerie Village qui permet à ses résidents de se former aux principes de la permaculture et de partager plus qu’un espace de coworking.
Perspectives et développement
Un pas de plus vers la néo-ruralité ?
En plus de son activité d’accueil de résidents ou de centre de séminaires, Le Bouchot ouvre maintenant un coliving rural. « Nous proposerons à partir de septembre octobre un coliving. Il y aura un loyer assez bas pour permettre à tout le monde de venir et un complément en participation consciente. Ainsi ceux qui ont plus de moyens pourront permettre à ceux qui en ont moins de venir au Bouchot. Et nous demandons à tous nos colivers une heure de leur temps pour participer à une tâche collective. C’est limité et rassurant pour les colivers. L’expérience montre ensuite que ceux qui pensaient se limiter à donner une heure finissent par donner beaucoup plus. Et qu’ils réussissent à mener à bien leurs tâches professionnelles en beaucoup moins de temps qu’ils ne pensaient. C’est ce qui m’est arrivé. J’ai été avocate pendant 17 ans à Paris. Quand je suis venue m’installer ici, loin du stress parisien, je me suis rendu compte que j’étais beaucoup plus efficace. Au point que mes clients eux-mêmes me disaient que j’aurais dû déménager depuis longtemps. »
Coliving rural : quel impact sur les territoires ruraux ?
Bien que la tendance soit là, il est encore un peu tôt pour mesurer l’impact des coliving ruraux sur les territoires et le développement local. Au contraire des tiers lieux dont l’activité est observée par les différentes administrations.
Cependant au niveau local, ces habitats partagés en zone rurale ont permis aux citadins de sauter le pas.
La Mutinerie Village a d’ailleurs mis sur pied l’Ambassade du Perche : un projet permettant de présenter la région à des citadins souhaitant s’installer à la campagne.
D’anciens résidents du Bouchot ont fini par acquérir une maison à la campagne, à proximité d’une gare cependant. Mais, note Anne avec amusement, "lorsque je leur demande combien de fois ils se sont rendus à Paris au cours du mois, ils se rendent compte .. qu’ils n’y vont quasiment plus."
Le coliving rural, un pas de côté vers une nouvelle vie ? Peut-être. Vers un surplus d’humanité, certainement.