Un coliving sur l’océan : ondine living
Le premier coliving sur l’océan est en train de voir le jour. Une façon de concilier passion et activité professionnelle. Rencontre avec Sophie Mathieu, à l’origine d’Ondine Living.
La passion du surf
COOLOC : Pourquoi ouvrir un coliving dédié à l’océan ?
Sophie Mathieu : Parce qu’un coliving dédié à l’océan, cela n’existe pas. Et je me suis rendue compte qu’il existait un vrai besoin. Je ne viens pas du monde nautique, mais je surfe avec passion depuis 7 ou 8 ans. J’ai commencé le surf, car je voyageais toute seule. C’est un sport très fédérateur. Quand vous voyagez pour surfer, vous rencontrez des gens qui ont la même passion que vous. La communication passe très facilement. Vous échangez sur les bons plans locaux, le matériel… J’ai donc commencé à planifier mes vacances selon les spots et les sessions de surf.
Jusqu’en 2020, j’y allais pendant les vacances, en touriste. Puis le Covid et le télétravail ont fait bouger les lignes. Ainsi, en 2021, j’étais en CDI et j’ai eu l’autorisation de partir aux Canaries, à Fuerteventura, pour télétravailler pendant 5 mois. J’étais à 5 minutes à pied de l’océan. Je travaillais et surfais tous les jours. J’ai rencontré plein de gens, des nomades digitaux ou des salariés qui fuyaient les villes. Je suis revenue à Paris. Et j’ai pu repartir au Portugal, en Algarve. Je me suis rendue compte que je cherchais la proximité de l’océan, pour surfer ou, au moins, aller voir l’océan une fois par jour.
Mais un problème de logement
Je n’avais qu’un seul problème : « Comment je me loge ? » J’ai vécu en Airbnb, en colocation. Mais ce n’était pas pratique. Mes colocataires n’avaient pas du tout le même profil que moi. Dans 99% des destinations de surfers, les gens viennent en vacances. Quand vous arrivez pour 3 semaines en télétravail, vous n’avez pas les mêmes rythmes, ni les mêmes attentes. Rien n’est prévu pour ceux qui viennent travailler et surfer. Il n’y avait pas de wifi, pas d’endroit pour travailler dans la chambre. C’est là que je me suis dit qu’il existait un besoin… et pas encore de solution !
J’ai quitté mon emploi fin 2022 pour monter Ondine Living. Le concept est simple : vivre, travailler et partager des moments avec des gens animés par les mêmes passions : le surf et l’océan.
Dès que les gens partagent une même passion, une communauté se crée. Venant de l’événementiel, je crois beaucoup en la réunion de personnes ayant des valeurs ou des objectifs communs. C’est hyper fédérateur de vivre et travailler, même de façon temporaire, avec des gens qui partagent la même passion. Je sais combien les professionnels ont besoin de vivre des expériences ensemble pour échanger, travailler ensemble. Cela permet d’aborder le business de façon différente.
Les colivers version Ondine Living
COOLOC : Les colivers seront donc des surfers ?
Sophie Mathieu : Non, pas forcément. Ondine Living, c’est d’abord un coliving pour travailleurs nomades. Il peut s’agir de nomades digitaux, d’entrepreneurs ou de freelance qui veulent changer d’environnement. Ce sont aussi des télétravailleurs qui veulent changer de lieu de travail sur une courte ou une moyenne durée.
Aujourd’hui le télétravail est vécu comme une contrainte, avec un risque d’isolement chez soi, loin de l’entreprise et de la sociabilité qui l’accompagne. On ne pense pas suffisamment à se dire qu’on peut partir pendant quelques jours pour travailler ailleurs que chez soi. Avec Ondine Living, je vais dans un lieu adapté pour travailler … mais qui me sort de mon quotidien ! Je peux choisir de surfer tôt le matin avant de commencer à travailler. Je peux profiter de la pause déjeuner pour faire une balade sur la plage ou aller voir le coucher de soleil après ma journée de travail…
Les amoureux de l’océan salariés ont 5 semaines de congés payés. Plutôt que d’attendre les vacances, ils peuvent travailler dans un endroit qui leur permet de vivre en parallèle leur passion. C’est plus épanouissant !
Pour les entreprises aussi c’est intéressant. En se rendant dans un coliving adapté au travail, mais au bord de l’océan, elles peuvent donner une autre dynamique à leurs équipes. On y travaille puisque tout est prévu pour. Mais on profite aussi de la nature pour vivre ensemble … mais différemment. L’ouverture sur l’environnement permet d’organiser d’autres choses : des sessions de surf, des promenades ou des séances de yoga sur la plage.
Un coliving éphémère dans les Landes
COOLOC : Ondine Living ouvre en mars son premier coliving… mais un coliving éphémère !
Sophie Mathieu : Avant de trouver le lieu idéal, je teste le concept auprès de mes futurs utilisateurs : comment vivent-ils le coliving ? Comment proposer le service idéal ? Le premier coliving éphémère ouvrira en mars dans une villa magnifique à Messanges, dans les Landes, une région sublime et préservée. Il y a des kilomètres de plages sans construction. La vie y est super agréable. Peut-être y en aura-t-il un deuxième après les vacances scolaires dans les Landes ou au Portugal. Ce sera intéressant de tester des lieux différents et d’avoir des retours avant de m’ancrer définitivement.
Naissance d’un coliving : trouver le lieu
COOLOC : Comment monte-t-on un coliving aujourd’hui ?
Sophie Mathieu : Il faut d’abord trouver le lieu, et pour cela, beaucoup en parler, activer ses réseaux … J’ai contacté des agents immobiliers qui n’étaient pas intéressés car c’était de la location. Et j’ai aussi approché directement des propriétaires sur Le Bon Coin, Airbnb ou Abritel, pour parler du projet.
J’ai trouvé un propriétaire qui a aimé le concept. Je voulais être transparente et lui proposer d’être mon partenaire pour me lancer. Il a accepté. Ondine Living ouvrira donc ses portes en mars dans une très belle villa de plus de 300 m2. Il y a une terrasse, une piscine, un jacuzzi, un jardin sans vis-à-vis et vous êtes à moins de 2 km de l’océan. La villa est proche de Dax, donc je peux organiser un système de navette… même si les gens arrivent souvent en voiture.
Chaque chambre fait en moyenne 30 m2 et est aménagée avec un bureau. Il y a de la place, une cuisine toute équipée, une cheminée, un écran plat immense… Et surtout un vrai espace de travail qui peut accueillir 5 ou 6 personnes facilement.
C’est un gros avantage. Vous n’avez pas de risque de faire votre appel vidéo au milieu de gens qui prennent leur petit déjeuner. Vous pouvez vous isoler pour travailler – chaque chambre dispose d’un bureau – ou faire du coworking.
Coliving ou coworking ?
COOLOC : Comment s’organisera le coliving sur l’océan ?
Sophie Mathieu : Il s’agit d’un coliving hôtellerie. Les colivers viennent pour des durées courtes et moyennes. Ce n’est pas du coliving résidentiel dont les baux durent un an ou 18 mois.
Le séjour minimum est d’une semaine. C’est nécessaire pour créer un esprit de groupe et une communauté. Si vous ne venez que pour 3 jours, vous n’avez pas le temps de vous intégrer. Sachant que chacun est là pour une durée minimale, les colivers déjà présents seront davantage incités à intégrer les nouveaux venus.
Plusieurs candidats se sont inscrits : des couples en télétravail, ou nomades digitaux et des télétravailleurs solo. Il y a, par exemple, une femme qui a ses enfants une semaine sur deux. Comme elle est quasiment tout le temps en télétravail, elle cherche à partir quand elle est seule. Tous ne sont pas surfers, mais ils tous sont amoureux de l’océan.
Gérer le coliving
COOLOC : Et comment gérez-vous le coliving ?
Sophie Mathieu : Je ne m’occupe ni des repas, ni du petit déjeuner. Mais je m’assure que tout soit propre. Les serviettes et les draps sont fournis. Il y a un service de ménage et de blanchisserie. Le principe du coliving sur l’océan, c’est d’arriver juste avec sa valise et son ordinateur.
Mais à l’arrivée, j’organise un welcome drink. C’est très fédérateur et cela permet de créer la communauté. J’ai instauré aussi le family diner : un soir dans la semaine, on cuisine tous ensemble …. ou on commande un repas en commun.
Je propose aussi la location de vélos. Ondine Living sera aussi un lieu de sensibilisation à la protection des océans. Je travaille en partenariat avec des associations, locales ou plus importantes. Il faut que chaque semaine, il y ait une action, une opération, un événement pour sensibiliser les colivers à la protection de l’océan.
Sur qui compter pour monter un coliving ?
COOLOC : Y-a-t-il des aides pour monter un coliving ?
Sophie Mathieu : Il n’y a pas d’aides spécifiques. J’ai intégré le réseau d’incubation Willa à la fin de l’année dernière. C’est très bienveillant et c’est un super booster. Niveau aides, je dois encore rechercher ce qui existe. Je sais que la région Nouvelle Aquitaine est très active, mais aussi Pôle Emploi qui est un énorme soutien pour les entrepreneurs. Sans oublier les CCI, le Réseau Entreprendre, l’ADIE.
COOLOC : Et que pense-t-on du coliving au niveau local ?
Sophie Mathieu : J’ai eu des entretiens dans les mairies des petites villes des Landes. Le concept de coliving sur l’océan les intéresse beaucoup. Il permet un ancrage local, plus stable que le tourisme qui dure 4 mois dans l’année. Mon idée est de travailler avec des structures et des entreprises locales, des artistes du cru… De plus les colivers ont un certain pouvoir d’achat. C’est donc intéressant pour les municipalités et la vie économique locale.
Quel futur pour Ondine Living ?
Sophie Mathieu : Idéalement, je voudrais ouvrir le premier coliving permanent fin 2023 dont j’assurerai le rôle de house manager. En 3 ans, je souhaite ouvrir 3 ou 4 colivings sur le littoral atlantique européen : sud-ouest de la France, mais aussi Asturies ou Cantabrie en Espagne. Ce sont des régions magnifiques. C’est très vert avec de belles falaises qui donnent sur la plage.
Mon idée de départ, c’était de monter un coliving en Algarve, au sud du Portugal, dans une zone préservée avec un accès direct aux plages. La vie au Portugal est très agréable, pas trop chère. On y mange très bien et les Portugais sont super sympas. Et puis c’est l’un des pays les plus sûrs du monde. Quand je surfe là-bas, je peux laisser mes affaires sur la plage, avec mes clefs de voiture sans avoir peur de me faire voler. Tout le monde le fait. Les gens qui laissent leur planche sur la plage sont sûrs de la retrouver. On ne s’en rend plus compte mais nous sommes tout le temps sous pression. Cette sécurité alliée à la proximité de l’océan, cela permet de se relâcher dans l’esprit autant que dans le corps.