

Coliving : pourquoi la loi Brossat ?
Le coliving gagne du terrain en France… au détriment des locations classiques ? C’est la sonnette d’alarme que tire le sénateur de Paris Ian Brossat. Le coliving permet « de contourner certaines réglementations et alimente la crise du logement » explique celui qui a été adjoint à la maire de Paris en charge de la politique du logement pendant près de dix ans.
Il prépare ces jours-ci une proposition de loi, permettant d’encadrer la pratique du coliving.
Mais qu’est-ce que le coliving ? Et que représente ce nouveau marché ?
Le coliving aujourd'hui en France
Un marché en pleine expansion
Le coliving est en rapide expansion en France : près de 70% de hausse en 2 ans selon le rapport de la société d’études Xerfi. En 2023, cela représentait près de 14 500 lits en France gérés par une soixantaine d’exploitants… Et des investissements se montant à 234 millions d’euros selon JLL, soit trois fois plus que pour les résidences seniors
Mais qu’est-ce que le coliving ? C’est la fusion des termes collaborative et living. Les adeptes du coliving – ou colivers – louent une chambre privative pour un loyer qui leur donne également accès à des espaces et des services communs, (cuisine, salon, accès internet et charges comprises…mais aussi jardin, salle de sports, cours collectifs, presse, location de vélos électriques…)
Cela ne rappelle-t-il pas… la colocation ? Effectivement, le principe est le même. La différence est juridique : la colocation est soumise à la législation sur l’habitation. De fait, le colocataire signe un bail directement avec le propriétaire.
Le coliving, lui, ne fait encore l’objet d’aucune législation précise. Et c’est là que le bât blesse.
Qui sont les acteurs du coliving ?
Lorsqu’il est question de coliving, certains noms reviennent : Joivy, Colonies, Cohabs…
Gestionnaire ou opérateurs de coliving, ils gèrent et exploitent des espaces de coliving. Concrètement, ils sont responsables de la gestion des bâtiments, de l'entretien, des services proposés aux résidents, et de la création d'une communauté au sein de l'espace de coliving.
Ils s'occupent de la location des chambres, mais aussi des espaces, de l'organisation d'événements pour les résidents, et de la fourniture de services supplémentaires comme le ménage, la blanchisserie, ou même des services de conciergerie.
Comment fonctionne le coliving ?
Côté client, les opérateurs de coliving cherchent à faciliter au maximum les démarches : visites et réservation de la chambre se font via internet. Le bail peut également être signé par voie électronique. L’ensemble des acteurs de coliving le disent : le coliver n’a besoin que de sa valise et de son ordinateur pour emménager.
Quels sont les enjeux du secteur ?
A première vue, le coliving n’a que des avantages. C’est notamment une réponse aux problématiques de l’immobilier :
- La crise du logement : les colivers n’ont plus besoin de passer par une agence, ni de présenter un dossier à rallonge. Selon les opérateurs de coliving, ils n’ont besoin que de communiquer leurs revenus pour que leur dossier soit accepté.
- Le coliving permet de réhabiliter des immeubles existants, comme d’anciens immeubles de bureaux… C’est le cas de Joivy ou de Sharies à Paris.
A qui s’adressent-elles ? Des étudiants, de jeunes actifs qui cherchent un logement facilement accessible, proche des services et des transports ou de leur lieu de travail et d’études, au sein duquel ils peuvent nouer des relations même lorsqu’ils sont nouveaux en ville.
C’est aussi une aubaine pour les investisseurs immobilier. Selon l’entreprise Colodge, spécialisée dans le coliving, la rentabilité nette d’un coliving est comprise entre 4 et 7 %, soit une rentabilité supérieure de 20 à 40 % pour un logement équivalent « traditionnel ».
Depuis la loi Le Meur de novembre 2024 – dite aussi loi anti-Airbnb qui encadre et limite la prolifération des locations touristiques – le coliving devient l’investissement locatif le plus intéressant du marché.
Les propositions du projet de loi Brossat
Alors pourquoi légiférer sur le coliving ?
Justement parce que cette solution à la crise du logement ne ferait-elle que renforcer les inégalités ?
« De prime abord, le coliving paraît séduisant, mais en réalité il permet de contourner certaines réglementations et alimente la crise du logement » dénonce Ian Brossat ancien.
Ils contournent notamment l’encadrement des loyers. Certaines grandes villes – comme Paris, Lille, Bordeaux, le Pays basque - limitent la libre fixation des loyers par les propriétaires. C’est la préfecture qui fixe un prix de location maximum par m2, en fonction de l’emplacement du bien. L’objectif est de permettre aux actifs de se loger à des prix décents dans des zones tendues.
Or, en louant des chambres avec des services « tout compris » (charge, internet, ménage ou autre…), l’addition mensuelle en fin de mois est salée. En effet, le loyer doit respecter l’encadrement, mais à ce dernier s’ajoutent les différents services. « Etant vendus par « package » (…) des inquiétudes ont été émises vis-à-vis de ce qui peut être assimilé à une « vente forcée », notamment lorsque le locataire, en cœur d’agglomération, n’a concrètement pas (ou très difficilement) accès à d’autres offres locatives privées dans un périmètre proche » souligne une étude de l’Institut Paris Région (IPR) publiée fin janvier 2025. Le coliving s’adresse donc à une certaine population de jeunes actifs. Le coliving est donc avant tout une offre commerciale qui ne s’adresse qu’à une toute petite partie de la population : jeunes actifs ou étudiant, ayant de bons revenus ou des garants si le coliver ne gagne pas l’équivalent de 2,5 fois le loyer.
Et qu’en est-il des autres ? Le nombre de coliving augmente… alors que l’offre locative recule. En effet, la tension locative s’accentue : l’inflation de ces dernières années a entrainé la hausse des loyers et la transformation de nombreux biens en locations touristiques n’a rien arrangé.
Coliving ou le flou juridique
A l’heure actuelle, contrairement à des pays comme la Belgique, la France n’a encore aucune législation concernant le coliving.
Résultat : les colivers qui s’engagent dans un coliving n’ont qu’une vision très partielle de ce qu’ils signent, de leurs droits et de leurs devoirs. Certains opérateurs louent les logements en bail commercial à des propriétaires. Ils transforment le logement de façon à louer l’espace en baux d’habitation individuels.
Ensuite, quel est le type de bail signé ? Bail individuel d’habitation, bail mobilité, bail de courte durée… Si l’opérateur n’est pas propriétaire des murs, le bail proposé peut être un bail de sous-location, un bail de location saisonnière ou de résidences services qui permet au gestionnaire d’échapper à l’encadrement des loyers, constate l’Institut Paris Region.
Contrairement à la législation régissant les relations entre bailleur et locataire, l’habitant d’un coliving n’est absolument pas protégé en cas de problème.
Quelles sont les principales mesures envisagées par la loi ?
Le sénateur compte proposer de ranger le coliving dans la catégorie habitation afin de soumettre les coliving à l’encadrement des loyers et assurer le quota de logements sociaux. Cela permet aussi d’être totalement clair sur les droits et devoirs de chaque partie.
C’est d’ailleurs ce qu’a déjà fait la Belgique. Les coliving sont soumis non seulement à un permis d’urbanisme mais doivent aussi obtenir un agrément de la part des autorités compétentes afin de mettre fin à la multiplication des coliving dans les grandes villes.
Objectifs visés par le législateur
Les objectifs sont simples : atténuer la crise du logement dans les grandes villes qui touche toutes les catégories de la population. Sont fustigés ces grands logements transformés en coliving à des fins de rentabilité. Or la crise du logement ne touche pas uniquement les étudiants et les jeunes actifs mais l’ensemble de la population.
Impacts potentiels selon les modèles de coliving
Du coté des opérateurs de coliving, les avis sont partagés
Pour les marques de coliving
Les opérateurs de coliving eux, estiment qu’ils sont une réponse à la crise du logement en permettant un accès simple au logement. Certains estiment qu’ une législation claire sur le modèle du coliving est souhaitable. La loi permettrait d’imposer des normes à respecter pour assurer une certaine qualité de vie.
En revanche, la crainte partagée des opérateurs est qu’une législation freine les investisseurs.
De plus, les modèles de coliving, les contrats de location signés sont tellement variés d’un opérateur à l’autre que chacun devrait s’ajuster à la norme établie. Ils devraient notamment proposer un bail individuel en bonne et due forme à chaque colocataire.
Implications pour les bailleurs individuels
La législation concerneraient notamment les opérateurs de coliving.
Mais qu’en est-il des nombreux bailleurs individuels concernés ? Il devient difficile aujourd’hui de louer de grands logement à une seule famille. Ces dernières préfèrent largement acheter.
Ainsi, plutôt que de laisser de grands logements vides, les propriétaires les ont transformés en colocations meublées. Une réponse précise et couverte par la loi à la crise du logement. En effet, la demande de T1 et T2 est telle que le marché est saturé alors que la demande de logements individuels ne descend pas. Beaucoup se tournent alors vers la colocation. Ils obtiennent ainsi une chambre individuelle et une salle de bain selon les colocations, et l’accès à davantage d’espace que s’ils étaient en studio.
Le bailleur peut inclure dans le loyer les charges locatives (eau, électricité, internet) soit par forfait - inscrit dans le bail et payé en même temps que le loyer - soit par provisions – le propriétaire s’appuie sur le budget prévisionnel et les résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation de charges. Il procès chaque année à une révision des charges.
La proposition de loi ne devrait pas affecter les bailleurs individuels. En revanche, il est nécessaire que le législateur ne les vise pas et reconnaisse leurs efforts pour répondre à la crise du logement.
En effet, la loi vise notamment une soixantaine d’acteurs qui gèrent plus de 15 000 chambres en France, en particulier dans les grandes villes. Or il ne prend pas en considération les près de 700 000 bailleurs individuels, qui eux proposent près de 2 millions de chambre, réparties dans toute la France, dans toutes les villes et y compris dans les zones rurales ou semi-rurales. Eux répondent vraiment à la problématique du logement.
Perspectives pour le modèle résidentiel
Les locataires ont besoin de sécurité, mais quelques acteurs font de la location un acte commercial. C’est ce à quoi le législateur veut mettre fin.
Cependant, il vise aussi les grands logements transformés en colocation. Une erreur dans la mesure où la demande de logements pour personnes seules augmente et où la colocation offre de multiples avantages :
- Un logement plus spacieux
- Un remède à la solitude : ce n’est pas un hasard si de nombreux seniors ou failles monoparentales font le choix de la colocation
- Un pas de plus vers le développement durable : plus besoin d’acheter des meubles quand vous vous installez en colocation. Celle-ci est meublée la plupart du temps.
De plus, la colocation répond à une angoisse bien légitime des propriétaires : éviter absolument les logements vides. Avec la colocation, le logement n’est jamais totalement vide. Cela répond à l’une des injonctions du législateur qui cherche à lutter contre les logements laissés vides.
Côté pratique, le site COOLOC permet de mettre en relation propriétaires et colocataires. Et joue même le rôle de tiers de confiance : de la mise en relation par matching au paiement du loyer, en passant par le bail, COOLOC offre des services pensés pour les propriétaires et les colocataires et lutte contre la crise du logement.







